Olusegun Obasanjo: Je suis redevenu agriculteur et je n’ai jamais été aussi heureux

Chaque année, des milliers de jeunes Africains quittent les petites fermes, souvent en difficulté, de leurs familles à la campagne. Leur rêve – parfois accompli, mais souvent pas – est de trouver une vie plus enrichissante et plus stimulante dans les villes africaines en croissance rapide. Très peu d’entre eux reviennent, mais peu coupent complètement leurs liens.

C’est un lien complexe, et un lien que je comprends profondément. Mon propre exode vers la ville quand j’étais un jeune homme a ouvert des opportunités uniques qui ont culminé avec le poste de président du Nigeria, la plus grande économie de l’Afrique. Mais non seulement suis-je resté attaché à l’agriculture, je suis maintenant de retour à mes racines. Je suis redevenu agriculteur avec Obasanjo Farms Limited, et je n’ai jamais été aussi heureux.

Travailler la terre à nouveau m’a donné une meilleure perspective sur deux des plus grands défis auxquels est confrontée l’Afrique aujourd’hui : comment pouvons-nous offrir des possibilités d’emploi aux millions de jeunes Africains qui constituent la plus grande population du monde âgée de moins de 25 ans afin qu’ils puissent rester dans le village et cultiver? Et comment pouvons-nous mettre un terme aux cycles apparemment sans fin des crises alimentaires qui, à cet instant même, se manifestent à nouveau avec une familiarité consternante dans certains pays de l’Afrique orientale et australe?

Tirer parti d’un marché de produits alimentaires valant 1 000 milliards de dollars

Heureusement, de plus en plus d’Africains comme moi-même perçoivent ces questions comme étant entrelacées. Nous voyons l’agro-industrie comme la plus grande opportunité pour l’Afrique de mettre fin non seulement à la faim et à la malnutrition, mais aussi comme le meilleur espoir de l’Afrique pour générer des revenus et de l’emploi, en particulier dans les régions rurales. La Banque mondiale estime que d’ici 2030 la demande alimentaire dans nos zones urbaines en croissance rapide va créer un marché pour les produits alimentaires d’une valeur de 1 000 milliards de dollars. Ce marché doit être détenu et exploité par des agriculteurs africains, des entreprises agricoles africaines et des entreprises alimentaires africaines.

Mais une chose est claire pour moi pendant que je retourne à l’agriculture : pour atteindre son potentiel, l’agriculture africaine a besoin d’une infusion fraîche d’innovations et de talents.

J’ai gardé beaucoup de bons souvenirs de mon enfance dans un petit village agricole près d’Abeokuta, la capitale de l’État d’Ogun du Nigeria. À l’âge de cinq ans, j’accompagnais mon père aux champs où nous cultivions du manioc, du maïs, des plantains, des palmiers à huile et d’autres cultures. Homme Yoruba fier, mon père était considéré comme l’agriculteur ayant le plus réussi dans notre village. Tout en vivant avec peu d’équipements modernes, nous cultivions beaucoup de produits alimentaires, et nous jouissions de la richesse culturelle de notre histoire et nos traditions Yoruba.

En fin de compte, ce mode de vie a été incapable de résister à des pressions qui allaient bientôt s’intensifier : la croissance démographique, les troubles politiques, la rareté des terres et la dégradation des sols.

Adopter l’agriculture en tant que vocation et carrière

Aujourd’hui, les agriculteurs africains ont besoin de plusieurs choses que mon père n’avait pas, mais que les agriculteurs d’ailleurs dans le monde tiennent pour acquis. Nous avons besoin de variétés de cultures améliorées élaborées pour résister à la maladie et tolérer la sécheresse. Nous avons besoin d’avoir accès aux intrants modernes tels que les engrais. Nous avons besoin de marchés où les agriculteurs peuvent tirer parti de leur travail et donc justifier des investissements dans l’amélioration de la production. Nous avons besoin de services de crédits abordables requis par toutes les petites entreprises, et nous avons besoin de services de vulgarisation qui nous permettent de nous tenir au courant de pratiques agricoles durables.

Mais en définitive, nous avons besoin de gens. Plus précisément, nous avons besoin que le meilleur et du plus brillant de l’Afrique adopte l’agriculture comme une vocation et une carrière.

Tout récemment, j’ai accepté de présider le comité de sélection pour le nouveau Prix de l’Alimentation en Afrique, un prix qui vise à récompenser les personnes ou institutions exceptionnelles qui prennent le contrôle de l’agenda de l’agriculture africaine. Ce prix a été inauguré en 2005 sous le nom de « Prix Yara ». En déplaçant le Prix Yara vers l’Afrique en 2016 et en le rebaptisant “Prix de l’Alimentation en Afrique,” on lui a donné un chez soi africain distinctif, une identité africaine et une appropriation africaine. Il s’agit d’un prix considérable : 100.000 US$ pour le gagnant.

Nous espérons que le prix lui-même et son cadre de gagnants enverront un signal au monde entier pour faire comprendre que l’agriculture est pour l’Afrique une priorité que tout le monde devrait adopter. Il peut attirer l’attention sur les personnes qui sont des sources d’inspiration et des moteurs d’innovations qui peuvent être reproduites sur tout le continent.

Je dépeins parfois mon retour à l’agriculture comme un retour à mon point de départ. Mais en réalité, tout en chérissant mes souvenirs d’enfance, je ne veux pas retourner en arrière. Je veux faire partie de l’avenir, où l’agriculture africaine est une activité lucrative et entrepreneuriale passionnante, et où les jeunes aspirent à être des agriculteurs parce qu’ils voient des hommes et des femmes de talent construire une carrière enrichissante dans l’agriculture et dans les travaux agricoles.

Je souhaite que le Prix de l’Alimentation en Afrique devienne rapidement un symbole de tout ce que l’agriculture africaine peut offrir et que bientôt nous voyions un changement, lorsque les jeunes des zones urbaines regarderont la campagne avec nostalgie et penseront : « C’est là que se trouve la terre de toutes les opportunités ».

Source: QueenMafa

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