Abdoul AGUEH : Responsable de la ferme CAPA-FILMAR

Les agriculteurs béninois rencontrent d’énormes difficultés pour mener à bien leur travail afin de satisfaire leurs besoins et ceux des consommateurs. Mr Abdoul AGUEH « A.A »responsable de la ferme Centre Agropastoral-Filière Maraîchage (CAPA-FILMAR) nous accorde un entretien dans lequel il nous détaille les problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs au Bénin.

AgroBénin : Présentez-nous la ferme
A .A : La ferme CAPA-FILMAR a été créée en 2001 et s’étend sur 26 hectares mais nous n’exploitons actuellement que 06 hectares. Elle est située dans la commune de Zogbodomey. Elle a pour vocation la production de cultures contre saison notamment la tomate, la pastèque et le maïs.

AgroBénin : Rencontrez-vous des difficultés pour l’écoulement de vos produits ?
A .A : La demande est très forte aujourd’hui. Le problème est que le marché n’est pas structuré comme la filière coton, ce qui fait que les revendeuses (grossistes)  (qui servent d’intermédiaires entre les consommateurs) cherchent à faire d’énormes bénéfices au détriment des producteurs.
Pour le cas de la pastèque, les revendeuses grossistes se connaissent entre eux et font de la spéculation.  En ce qui concerne la tomate dont la période de soudure se situe entre février et mai, le prix du panier de 20-25 kg passe de 2.000 FCFA à 25.000fcfa.  Les grossistes  mettent la pression sur le producteur au point où ils le livrent à un prix très bas étant donné que la tomate est un produit périssable.
Ce qui fait que le producteur non averti ou qui n’a pas une vision claire de ce qu’il fait se retrouve le plus souvent sans grand bénéfice. C’est le cas des producteurs analphabètes.

AgroBénin : Avez-vous des difficultés pour la culture de ces produits ?
A .A : Je vous disais tantôt que nous avons un domaine de 26 hectares dont 06 seulement sont exploités. Cela est dû à un manque de moyens tant matériels qu’humains. Les travaux sont pénibles surtout que nous travaillons sur un sol argileux, la démographie augmente, l’espérance de vie diminue.
Ce qui veut dire que nous avons besoin de mécaniser l’agriculture pour avoir un bon rendement (pour certaines cultures, il faut labourer à une profondeur de 35cm. Ce que l’homme a du mal à faire) ; assurer la disponibilité de l’eau par l’irrigation. Actuellement nous avons un besoin pressant en machines pour la pulvérisation afin que celle-ci ne soit plus manuelle.
Dans notre zone, nous sommes confrontés à un problème d’exode massif des jeunes. Ce qui fait que la main d’œuvre devient rare. Aussi, l’Etat doit nous aider à avoir des subventions comme cela se fait ailleurs. Les banques au Bénin sont purement commerciales.

AgroBénin : vous parlez d’exode rural, où vont ces jeunes ?
A .A : Nous avons constatez que les jeunes particulièrement de la commune de Zogbodomey vont à Cotonou (pour faire zémidjan : taxi moto) et  surtout au Nigéria. Peut-être que les conditions leur sont plus favorables au Nigéria qu’au Benin ! Ils vont faire un à deux ans au Nigéria, reviennent avec une moto, bicyclette, quelques paquets de tôles avec une petite radio. Ce qui fait leur fierté et celle de leurs parents qui les encouragent d’ailleurs. C’est parallèle aux étudiants qui rêvent de l’Europe ou des Etats-Unis ignorant qu’il y a à faire dans leur pays.

AgroBénin : Dites-nous, est ce que l’Etat a vraiment le souci du développement de l’agriculture au Benin ?
A .A : Je répondrai par l’affirmatif. Car aujourd’hui, on entend plus parler de l’agriculture qu’avant. Les acteurs sont un peu plus respectés qu’avant. Le complexe d’ « intellectuel » qui revient à la terre est en train de disparaître.
Mais le mal est que ce n’est pas les acteurs de ce secteur qui se réunissent pour décider des moyens et des politiques à mettre en œuvre pour le développement de ce secteur.
Figurez-vous qu’au temps de l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny (paix à son âme), tous les ministres avaient leurs fermes et vivaient la réalité des paysans. Ce qui d’ailleurs les aidait à savoir prendre des décisions concrètes pour le développement de l’agriculture.

AgroBénin : Vous parlez de besoin en tracteur, mais le gouvernement en a acquis ?
A .A : Oui le gouvernement a acquis des tracteurs. Mais nous avons frappé à certaines portes et on n’a pas eu gain de cause. De plus, il y a aussi le problème de rusticité de certains tracteurs. C’est un effort que le gouvernement a fait mais il reste beaucoup à faire.

AgroBénin : Si vous disposez d’une baguette magique, que feriez-vous pour le bonheur des béninois ?
A .A : Je vais mettre les béninois surtout les jeunes au travail, amener les jeunes à comprendre que dans l’agriculture ils peuvent tout avoir ; sensibiliser les jeunes pour qu’ils comprennent que ce n’est pas la cybercriminalité qui va les aider à gagner leur vie et le développement de notre chère patrie.

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